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STEPHEN KING

«ÉCRITURE, MÉMOIRES D'UN MÉTIER»
la méthode d'écriture de Stephen King

Publié en 2000 en VO sous le titre On Writing, A memoir of the craft, l’ouvrage de 350 pages est sorti aux éditions Albin Michel en France en 2001.

Ce résumé a été réalisé par Sophie Roche.

Les éléments du présent texte ont été retranscris à l'exact dans le cadre d'une étude du livre. Le contenu n'inclut aucun commentaire, critique ou analyse. Le but étant de conserver une version abrégée de l'essentiel de la leçon d'écriture de Stephen King.

 

 

Résumé comporte = 8150 mots

Temps de lecture = 35 minutes

"La vie n’est pas faite pour soutenir l’art. C’est tout le contraire"

Stephen King

«Quand Stephen King se décide à écrire sur son métier et sur sa vie, un brutal accident de la route met en péril l’un et l’autre. Durant sa convalescence, le romancier découvre les liens toujours plus forts entre l’écriture et la vie.

Résultat : le livre hors norme et génial, tout à la fois essai sur la création littéraire et récit autobiographique. Mais plus encore révélation de cette alchimie qu’est l’inspiration.

Une fois encore Stephen King montre qu’il est bien plus qu’un maître du thriller : un immense écrivain.»

Le Livre de Poche

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Lampes de voiture

SOMMAIRE
DU RÉSUMÉ

Partie relative aux conseils d'écriture uniquement, de l'ouvrage,

(n'inclut pas la partie "CV", auto-biographique).

 

 

QU’EST CE QU’ÉCRIRE ?

P.123-128

 

BOITE A OUTILS

P.131-161

LES ADVERBES

P.147-152

ECRITURE

P.165-298

LE SUJET

P.185-192

 

L'INTRIGUE

p.192-206

LES DESCRIPTIONS

P.206-214

 

LES DIALOGUES

P.214-224

 

LES PERSONNAGES

P.225-232

 

LE SYMBOLISME ET LES METAPHORES

P.232-238

 

LA THEMATIQUE

P.239-248

 

NOUVELLES VERSIONS & RELECTURES

P.248-262

 

RYTHME ET VOLUME D’ECRITURE

P.263-271

 

LES RECHERCHES

P.271-275

 

COURS ET SEMINAIRES D’ECRITURE

P.276-283

 

L’AGENT, LES EDITEURS

P.283-296

 

POURQUOI J'ÉCRIS ?

P.297

 

3EME PARTIE : DE LA VIE, UN POST-SCRIPTUM

QU’EST CE QU’ÉCRIRE ?

P.123-128

De la télépathie, bien sûr.

 

Nous vivons une rencontre par l’esprit. Pas un numéro de fakir à la noix ; de la véritable télépathie. Je ne vais pas davantage enfoncer le clou, mais avant que vous ne poursuiviez, il faut bien comprendre que je n’essaie pas de faire le malin ; il y a bien quelque chose que je veux vous montrer.

 

Vous pouvez entreprendre cet acte, l’écriture, en étant nerveux, excité, plein d’espoir ou même de désespoir ; avec le sentiment que jamais vous n’arriverez à mettre sur la page tout ce que vous avez dans l’esprit et le coeur. Vous pouvez l’entreprendre les poings serrés, les yeux plissés, prêt à botter des culs et à relever des noms. Vous pouvez l’entreprendre parce que vous voulez épouser une fille, ou parce que vous voulez changer le monde. Vous pouvez l’entreprendre comme bon vous semble — mais pas à la légère.

 

Permettez-moi de le répéter : n’approchez pas la page blanche à la légère.

 

 

 

BOITE A OUTILS

P.131-161

Si vous voulez écrire au mieux de vos possibilités, il vous incombe de construire votre propre boîte à outils, puis de vous muscler suffisamment pour pouvoir la transporter. De cette façon, au lieu de vous retrouver devant des difficultés propres à vous décourager, vous pourrez peut-être disposer du bon outil et vous mettre sur-le-champ au travail.

 

Placez votre vocabulaire dans le compartiment supérieur de votre boite à outils et ne faites aucun effort pour l’améliorer (ce qui finira par arriver à force de lectures, bien entendu.. mais le temps s’en chargera). On place ses outils les plus usuels dans le compartiment du haut. Le plus usuel de ces usuels, le pain et le sel de l’écriture, c’est le vocabulaire. L’un des plus mauvais coups que vous pouvez porter au texte que vous écrivez serait d’en châtier le vocabulaire en cherchant à y introduire des mots longs ou rares parce que vous auriez honte des mots petits et courants que vous employez. 

Ne vous exprimez pas de façon grossière, mais soyez simple et direct. N’oubliez jamais que la première règle, en matière de vocabulaire, est d’utiliser le premier mot qui vous vient à l’esprit, s’il est approprié et expressif. 

 

Le mot n’est qu’une représentation du sens ; il est rare qu’un écrivain, même le meilleur, arrive à approcher ce qu’il voulait dire. Cela étant, pourquoi vouloir rendre les choses encore pire en choisissant un mot qui n’est que le cousin de celui que vous vouliez réellement employer ?

 

La grammaire doit également figurer dans le compartiment supérieur de votre boîte à outils, et ne venez pas me casser les pieds avec vos plaintes exaspérées comme quoi vous ne comprenez rien à la grammaire, que vous n’avez jamais rien compris à la grammaire. 

On se calme. 

 

Nous n’en parlerons pas longtemps parce que c’est inutile. Ou bien on intègre les principes de grammaire de sa langue maternelle par la conversation et la lecture ou bien on ne les intègre pas. L’objet du cours de grammaire n’est rien de plus que de donner un nom aux éléments du mécanisme. 

 

Les verbes se présentent sous 2 formes, la voix active et la voix passive.

Vous devriez éviter la voix passive. La voix passive, c’est la sécurité. Ne soyez pas une lavette ! Redressez les épaules, tendez le menton et prenez les choses en main !

Un timide écrira : Le corps fut transporté depuis la cuisine et déposé sur un sofa. C’est une façon tout à fait correcte de décrire ce qui s’est passé, mais fut transporté me tape sur les nerfs, en revanche quelque chose comme : Freddy et Myra transportèrent le corps jusque dans le salon et l’installèrent sur le sofa. Pourquoi faudrait-il que corps soit le sujet de la phrase, d’ailleurs ? Il est mort, bonté divine ! Cornegidouille !

LES ADVERBES

p.147-152

Avec l’adverbe, l’écrivain trahit le fait qu’il craint de ne pas s’être exprimé avec clarté, d’être passé à côté de ce qu’il voulait souligner. 

Prenons la phrase : il referma brutalement la porte. Phrase qui n’a rien de terrible mis à part qu’elle emploie la forme active, mais quid du contexte ? Ne devrait-on pas déjà savoir comment notre héros va referme la porte ?

Il referma la porte. Il claqua la porte, à la limite. Si ce qui précède nous éclaire, brutalement n’est il pas de trop ? N’est-ce pas redondant ?

Je veux bien jouer franc-jeu avec les adverbes, à une exception près : quand ils accompagnent des verbes déclaratifs et avec la plus extrême parcimonie, dans les circonstances les plus rares et particulières, j’insiste. 

 

Exemple avec verbes déclaratifs :

 

«  Pose-le ! » cria-t-elle.

« Rends-le moi, supplia-t-il, il m’appartient. » 

« Ne soyez pas idiot, Jekyll », dit Utterson. 

 

Et à présent, examinons ces variantes douteuses :

 

«  Pose-le ! » cria-t-elle agressivement. 

« Rends-le moi, supplia-t-il abjectement, il m’appartient. » 

« Ne soyez pas idiot, Jekyll », dit Utterson dédaigneusement. 

 

Certains écrivains tentent de contourner la règle « pas-d’adverbes » en shootant le verbe déclaratif aux stéroïdes anabolisants. Le résultat est bien connu de tous les lecteurs de littérature de gare :

 

« Pose ce révolver, Utterson ! » grinça Jekyll.

« Continue de m’embrasser ! » hoqueta Shanya.

« Espèce de sale allumeuse ! » éructa Bill. 

« Vous n’êtes pas sérieux », dit Bill avec incrédulité. 

 

N’écrivez pas comme ça… s’il vous plait ! Vous devez avoir écrit votre histoire de telle manière que lorsque vous utilisez dit-il, le lecteur saura comment votre personnage l’a dit : vite ou lentement, avec joie ou tristesse. 

Le verbe déclaratif le plus courant est dit, comme dans dit-il, dit-elle, dit Bill, dit Monica. 

Si vous avez envie de lire des textes où cette règle est mise sans faille en pratique, lisez ou relisez un roman de Larry McMurty, l’ayatollah des verbes déclaratifs. 

 

Tout ce que je vous demande est de faire aussi bien que vous pouvez et de vous rappeler que, s’il est humain de déposer des adverbes le long de ses phrases, écrire dit-il/dit-elle est divin.

3ème partie - ECRITURE

P.165-298

LES PARAGRAPHES

 

Dans des passages d’explications, de commentaires, ou « essais libres » ils se doivent d’être nets et pratiques. Le paragraphe idéal comporte une phrase présentant le sujet, suivi d’autres qui expliquent ou amplifient la première. 

Dans la fiction, les paragraphes sont moins structurés ; ils constituent le rythme, et non la mélodie. Plus vous lirez et écrirez des romans, plus vous constaterez que vos paragraphes se forment tout seuls.

 

Ce qui suit est le catalogue de tout ce que je sais sur l’art d’écrire de bons romans. 

 

Si vous voulez devenir écrivain il y a avant tout deux choses que vous devez impérativement faire : lire beaucoup et beaucoup écrire. Il n’existe aucun moyen de ne pas en passer par là, aucun raccourci. 

 

Et on apprend avec bien plus de clarté ce qu’il ne faut pas faire en lisant de la mauvaise prose. Un roman comme l’un de ceux de Murray Leinster (lu quand il avait quatorze ans, NDLR) ou La Vallée des poupées, Sur la route de Madison, pour n’en citer qu’une poignée vaut un semestre de cours d’écriture créative dans une bonne école. 

Les textes bien écrits, de leur côté, sont pour le débutant des leçons de style […]. Un roman comme Les raisins de la colère peut pousser le débutant au désespoir ou à des accès de cette bonne vieille jalousie (jamais je ne pourrai écrire quelque chose d’aussi bien, même en mille ans !). 

N’y allons pas par quatre chemins : si vous n’avez pas le temps de lire, vous n’avez pas celui d’écrire, ni les instruments pour le faire. C’est aussi simple que ça. La lecture est au centre de l’activité créatrice d’un écrivain. 

 

Lire pendant les repas passe pour grossier dans la bonne société, mais si vous voulez réussir comme écrivain, la grossièreté devrait être l’avant-dernier de vos soucis. Le dernier étant la bonne société et ses exigences formelles. Et si vous avez l’intention d’écrire avec autant de sincérité que vous pouvez, vos jours au sein de la bonne société sont de toutes façons comptés. 

 

Le talent enlève tout son sens aux notions d’exercices et de répétition ; quand vous trouvez un domaine, quel qu’il soit, dans lequel vous avez du talent, vous vous y livrez jusqu’à ce que vos doigts saignent ou que les yeux vous sortent de la tête. 

Le contraignant programme de lecture que je préconise, soit quatre à six heures par jour, tous les jours, ne vous semblera pas contraignant si c’est quelque chose que vous avez déjà plaisir à faire et si vous avez les dispositions pour cela ; en fait, c’est un programme que vous suivez peut-être déjà. 

 

Si « Lis beaucoup, écris beaucoup » est le commandement Suprême (et je vous assure qu’il l’est) que veut dire, en pratique, écrire beaucoup ? 

Une fois lancé dans un projet, je ne m’arrête pas, je ne ralentis pas — sauf dans les cas de force majeure. Si je n’écris pas tous les jours, les personnages commencent à se rassir dans mon esprit : ils se mettent à avoir l’air de personnages et non plus de vrais personnes.  Le tranchant narratif se rouille, je perds peu à peu mon emprise sur l’intrigue et le rythme de l’histoire. […] Ecrire devient fastidieux et, pour la plupart des écrivains, cette impression de travailler est le baiser de la mort. 

 

Je considère que le premier jet d’un livre, même long, ne devrait pas prendre plus de trois mois, la durée d’une saison. 

 

J’aime bien rédiger dix pages par jour, ce qui équivaut à deux mille mots, soit cent quatre vingt mille sur une période de trois mois […]

Ce qui favorise le plus une production régulière (trollopienne ?) c’est une atmosphère de travail sereine. Il est difficile, même pour l’écrivain le plus naturellement prolifique, d’écrire dans un environnement où il est sans arrêt dérangé ou troublé. 

[…] mais une chose est indispensable : une porte que vous tiendrez fermée. La porte fermée est le moyen de dire au monde comme à vous-même que vous ne plaisantez pas ; que vous êtes sérieusement décidé à écrire, que vous avez l’intention d’aller jusqu’au bout et de faire tout ce qu’il faudra pour ça.

LE SUJET

P.185-192

 

Bon. Vous voilà à votre bureau, rideaux tirés, porte fermée, téléphone débranché. Se pose alors la grande question : de quoi allez-vous parler ? […]  de n’importe quoi — mais à une seule condition, dire la vérité. 

 

La grande règle, dans les cours d’écriture est de parler « de ce qu’on connaît ». […] mais que faire si vous avez envie de raconter une histoire de vaisseau spatial explorant les autres planètes, ou les déboires d’un homme qui a assassiné sa femme et tente de se débarrasser du corps en le débitant à la tronçonneuse ?

Comment s’y prend l’écrivain, dans ces deux cas comme dans mille autres tout aussi farfelus, pour se conformer à cette directive ?

Je crois qu’il commence par interpréter l’idée de « parler de ce qu’il connaît » de la manière la plus large et la plus générale possible. Si vous êtes plombier, vous connaissez la plomberie, mais ce savoir est loin de recouvrir l’ensemble de vos connaissances ; le coeur aussi sait de choses, comme l’imagination. Grâce à Dieu. 

 

Si vous êtes fan de science-fiction ou de polars, il est naturel que vous ayez envie d’en écrire. Il n’y a rien à reprocher à cette réaction. Ce qui serait, en revanche, tout à fait critiquable, à mon avis, serait de vous détourner de ce que vous connaissez et qui vous plaît […]. 

 

De même, ce serait une erreur de s’intéresser à un genre ou à une catégorie particulière de la science-fiction dans le seul but de gagner de l’argent. C’est moralement douteux : le boulot de toute fiction est de trouver la vérité au coeur des réseaux et des mensonges de l’histoire, non de commettre une malhonnêteté intellectuelle pour se faire du fric. Sans compter chers frères et soeurs, que ça ne marche pas. 

 

Quand on me demande pour quelle raison j’écris le genre de chose que j’écris, je trouve la question beaucoup plus révélatrice que toute réponse que je pourrais y donner. […] on trouve l’idée préconçue que l’écrivain contrôlerait sa production, alors que c’est le contraire. « Le bouquin est le patron », disait Alfred Bester d’un ton définitif. 

 

Un écrivain sérieux et qui croit en ce qu’il fait est incapable de s’emparer d’un matériau dont dont il pourrait tirer une histoire à la manière dont un investisseur choisit des actions sur le marché, sélectionnant celles qui, à son avis, lui rapporteront le plus. S’il était possible de faire ainsi, tous les romans publiés seraient des best-sellers et les énormes avances sur droits consenties à la douzaine de soit-disant « grands noms » n’existeraient pas (à la grande joie des éditeurs). 

 

[…] (les lecteurs) désirent avant tout une bonne histoire à dévorer dans l’avion, une histoire qui les fascinera au point qu’ils auront envie de tourner la chaque page jusqu’à la dernière. Ce qui se produit, à mon sens, lorsque le lecteur reconnaît les personnages du livre, leur environnement, leur façon de parler. Lorsqu’un lecteur entend clairement l’écho de ce qu’est sa vie, de ce qui constitue ses croyances, il y a davantage de chances pour qu’il s’investisse dans l’histoire. Je suis prêt à soutenir qu’il est impossible de faire naître ce genre de lien de façon préméditée, de sonder le marché comme un bookmaker ayant un tuyau en or écumerait celui des parieurs sur un champ de courses. 

 

Écrivez ce que vous avez envie d’écrire, insufflez-y de la vie et rendez votre texte unique en y mêlant ce que vous savez de l’existence, de l’amitié, des relations humaines, du sexe, du travail. En particulier du travail. Les gens adorent qu’on leur parle du travail. Dieu sait pourquoi mais c’est un fait. 

Si vous êtes plombier et si vous aimez la science-fiction, pourquoi ne pas écrire l’histoire d’un plombier à bord d’un vaisseau spatial ou sur une autre planète ? Si vous trouvez ça ridicule, pensez à feu Clifford D. Simak et à son roman Ingénieurs cosmiques, qui n’en est pas si loin que ça. C’est un bouquin sensationnel. La seule chose à ne pas oublier, c’est qu’il faut se garder de faire un cours sur ce qu’on sait, qu’il faut ne l’utiliser que pour enrichir son histoire. 

 

Tenez, prenez La firme, le roman de Grisham qui l’a rendu célèbre. […] L’histoire qu’il raconte a toutes les apparences de l’authenticité -il a été jeune avocat, n’a pas oublié où se trouvent les pièges financiers et les chausses-trapes dorées qui rendent si complexe le droit des entreprises- parce qu’elle est solidement ancrée dans une réalité qu’il connaît, dont il a une expérience personnelle et qu’il décrit avec une totale (et presque naïve) honnêteté.

L'INTRIGUE

p.192-206

De mon point de vue, un roman, une histoire, comporte trois éléments ; la narration, qui fait avancer le récit du point A au point B, et finalement jusqu’au point Z ; la description, chargée de créer une réalité sensorielle pour le lecteur ; et les dialogues, qui donnent vie aux personnages à travers leurs échanges verbaux. 

Vous vous demandez peut-être où je mets l’intrigue, dans tout ça. La réponse — la mienne, en tout cas — est : nulle part. 

 

[…] parce que je considère qu’il y a incompatibilité entre la construction d’une intrigue et la spontanéité de la véritable création. C’est un point sur lequel je dois être clair  : je désire que vous compreniez que ma conviction la plus profonde quant à l’invention des histoires, est qu’elles se fabriquent en grande partie d’elles-mêmes. Le boulot de l’écrivain consiste à leur donner un lieu où s’épanouir (et à les transcrire, bien entendu). 

 

Je crois que l’intrigue est un recours ultime de l’écrivain, alors que le crétin se jette dessus. L’histoire qui en résulte a toutes les chances d’être artificielle et laborieuse. Je m’appuie bien plus sur l’intuition, et cela parce que mes livres ont tendance à se fonder sur une situation plutôt que sur une histoire. 

 

Je place un groupe de personnages (ou peut-être seulement deux, voire un) dans une situation plus ou moins désagréable et j’observe comment ils font pour s’en sortir. Mon job ne consiste pas à les aider, ou à les manipuler jusqu’à ce qu’ils soient en sécurité — ça, c’est la bruyante méthode de l’intrigue au marteau-piqueur — mais de regarder ce qui se passe et de l’écrire. 

[…]  je n’ai jamais exigé d’un ensemble de personnages qu’ils se conforment à mes directives ; je veux au contraire qu’ils fassent les choses à leur façon. Dans certains cas, l’issue est celle que j’avais anticipée. Dans la plupart, cependant, c’est quelque chose que je n’avais pas du tout prévu. Pour un écrivain de suspens, c’est fondamental. Parce que du coup, je ne suis pas seulement le créateur du roman, mais aussi son premier lecteur. Et si moi je ne suis pas capable de deviner, même approximativement, comment toute cette foutue affaire va se terminer, avec en plus la connaissance que j’ai des événements à venir, cela veut dire que je peux être tranquille sur un point : le lecteur se trouvera dans cet état d’anxiété qui l’oblige à tourner la page. Et pourquoi s’en faire pour la fin, d’ailleurs ? […] tôt ou tard une histoire doit bien aboutir quelque part. 

 

(Dans Misery) Paul Sheldon se révéla être un personnage plein de ressources, beaucoup plus que ce que j’avais tout d’abord cru, et ses efforts pour jouer les Schéhérazade et sauver sa vie me donnèrent l’occasion de dire certaines choses sur le pouvoir rédempteur de l’écriture que je ressentais depuis longtemps, mais n’avais jamais pris le temps de mettre au clair. De même, Annie se montra beaucoup plus complexe que je ne l’avais de prime abord imaginé, et je me suis beaucoup amusé avec son personnage ; c’était une femme qui s’offusquait devant le moindre gros mot mais qui n’avait pas d’état d’âme lorsqu’elle décidait de trancher le pied de son écrivain préféré parce que celui-ci tentait de s’enfuir. A la fin elle me faisait presque autant pitié que peur. Et aucun des détails et des incidents de l’histoire n’est venu de l’intrigue ; ils se sont constitués élément par élément, ont découlé naturellement de la situation originale, chacun étant une pièce découverte du fossile. Je souris encore en écrivant ceci ; j’avais beau alors crever de drogue et d’alcool, je me suis bien amusé avec ce bouquin-là.

PARTIR D'UNE SITUATION

 

 

Jessie et La petite fille qui aimait Tom Gordon sont aussi des romans qui relèvent complètement d’une situation. Si Misery est l’histoire « de deux personnes dans une maison », Jessie est celle « d’une femme prisonnière dans une chambre » et La petite fille… celle « d’une gamine perdue dans les bois ». 

[…]  Autre cas de figure : Sac d’os donne l’impression d’être bâti sur une intrigue, mais découle d’une situation : « un écrivain veuf dans une maison hantée ». 

 

Les situations les plus intéressantes peuvent en général se présenter sous la forme d’une question : et si jamais ?

 

Et si jamais des vampires envahissaient une petite ville de Nouvelle-Angleterre ? (Salem.)

Et si jamais un policier, dans quelque patelin perdu du Nevada, devenait soudain fou et commençait à tirer sur tout ce qui bouge ? (Désolation.)

[…] Et si jamais une jeune maman et son fils se trouvaient coincés dans leur voiture en panne par un chien enragé ? (Cujo.)

Autant de situations qui me sont venues à l’esprit — sous la douche, au volant de ma voiture, pendant ma promenade quotidienne — et qui ont finalement donné un livre. Aucune d’entre elles n’a fait l’objet d’un travail sur l’intrigue. 

 

Je vous prie de ne pas oublier, cependant, que je fais une énorme différence entre histoire et intrigue. L’histoire est honorable, on peut lui faire confiance ; l’intrigue est sournoise, autant la maintenir en résidence surveillée.

LES DESCRIPTIONS

P.206-214

Les descriptions sont ce qui font du lecteur un participant sensoriel à l’histoire. 

 

Ce n’est d’ailleurs pas seulement une question de savoir-faire, mais aussi de savoir comment ne pas trop en faire. 

 

Pour décrire il faut commencer par visualiser ce que vous voudriez que le lecteur se représente. 

 

Si vous voulez réussir comme écrivain, vous devez précisément décrire cela et d’une manière telle que votre lecteur vibrera tant il s’y reconnaîtra. Si vous êtes capable d’y parvenir, vous serez payé de vos peines et vous l’aurez mérité. Si vous n’y parvenez pas, vous recevrez de nombreuses lettres de refus et pourrez alors peut-être envisager une carrière dans le monde fascinant du télé-marketing. 

 

[…] autant que je m’en souvienne, je n’ai que rarement décris, dans mes textes, l’aspect qu’avaient les gens — leur visage et leur corps comme leurs vêtements. Si je vous dis que Carrie White est une lycéenne rejetée par les autres, au teint maladif, dont la garde-robe est celle d’une fashion victim, je pense que vous êtes capables de compléter le tableau non ? Pas besoin de vous la décrire jusqu’à son dernier bouton d’acné, jusqu’à sa dernière jupe. Nous avons tous le souvenir, après tout, d’une camarade de classe (ou de deux) mal barrée dans la vie ; si je décris la mienne, elle transforme la vôtre en statue de sel et le lien de compréhension que je cherche à instituer entre nous se relâche un peu. 

 

Je ne crois pas non plus que la description physique soit un raccourci pour rendre compte de la personnalité des personnages. Alors épargnez-moi, s’il vous plait, les yeux bleus pétillants d’intelligence de votre héros, ou son menton carré et volontaire ; de même, les sourcils arrogants de l’héroïne. Techniquement mauvaise, cette façon de faire trahit la flemme d’écrire. 

A mes yeux, une bonne description consiste en général à donner quelques détails bien choisis qui se chargeront de tout. 

 

Dans beaucoup de cas, lorsqu’un lecteur abandonne un livre qu’il trouve « ennuyeux », cet ennui vient de ce que l’écrivain se trouve tellement séduit lui-même par ses capacités descriptives qu’il en perd de vue sa priorité, laquelle est que son histoire doit toujours avancer. 

 

Le plus courant (le manque de culture littéraire est d’ailleurs à peu près toujours à l’origine de ce qui nous y fait chuter) est l’utilisation de comparaisons, métaphores et images qui sont devenues des clichés. Il courait comme un fou, elle était jolie comme un coeur, il s’est battu comme un lion…ne me faites pas perdre mon temps (et ne perdez pas le vôtre) avec des poncifs aussi éculés. Vous risquez de passer pour paresseux ou ignorant. Aucune de ces descriptions n’améliorera votre réputation d’écrivain. 

 

Le secret de la bonne comparaison commence avec un vue claire des choses et finit par un texte clair qui utilise des images nouvelles et un vocabulaire simple. 

 

Pratiquez, exercez-vous, n’oubliez jamais que votre boulot consiste à dire ce que vous voyez et à faire avancer votre histoire.

LES DIALOGUES

P.214-224

 

Quand un dialogue tombe juste, on le sait. Quand il ne va pas, on le sait aussi : il vous écorche les oreilles comme un instrument de musique désaccordé. 

 

Les échanges doivent être tellement authentiques que nous ressentons le plaisir coupable de celui qui tend l’oreille vers une conversation intéressante et se met à la suivre. 

 

Comme dans tous les aspects de la fiction, le secret des bons dialogues réside dans l’honnêteté. Si vous êtes honnête quant aux mots que vous faites sortir de la bouche de vos personnages, vous découvrirez que vous vous exposez aussi à pas mal de critiques. Pas une semaine ne passe sans que je reçoive au moins une lettre furibarde (et la plupart du temps, plusieurs) m’accusant d’être grossier, bigot, homophobe, assassin, frivole ou carrément psychotique. Dans la plupart des cas, ce qui a échauffé la bile de mes correspondants figure quelque part dans un dialogue : « tirons-nous de ce putain de bled », ou : « on n’encaisse pas trop les nègres, dans le coin », ou encore : « où tu te crois, sale con de pédé ? ». 

Ce qui compte c’est de laisser chaque personnage s’exprimer librement, sans s’occuper de ce qu’en pensent les gens bien-pensants ou les dames de la paroisse.

[…] mais voilà, je n’ai pas été élevé parmi ceux de la haute. Je sors de la classe moyenne inférieure américaine, et c’est à elle qu’appartiennent les personnes dont je veux parler avec le plus d’honnêteté, car ce sont elles que je connais le mieux. 

 

Certains ne veulent pas entendre la vérité, bien entendu, mais ce n’est pas votre problème. Ce qui en serait un, ce serait de vouloir être écrivain sans viser droit au but. 

 

LES PERSONNAGES

P.225-232

 

Tout ce que j’ai expliqué à propos des dialogues s’applique aussi à l’élaboration des personnages. Le boulot se résume à deux choses : faire attention à la manière dont les gens réels se comportent autour de vous, puis dire la vérité sur ce que vous avez vu. 

 

Pour moi, ce qui arrive aux personnages au fur et à mesure que progresse une histoire dépend seulement de ce que je découvre sur eux tandis que j’avance : autrement dit, de la manière dont ils se développent. Parfois ils se développent peu. S’ils se développent beaucoup, ils commencent à influer sur le cours de l’histoire au lieu que ce soit le contraire. 

 

J’estime que les meilleurs romans finissent toujours par avoir les gens pour sujet, plutôt que les événements ; autrement dit, que les histoires sont cornaquées par les personnages. 

 

Annie Wilkes, l’infirmière qui retient Paul Sheldon prisonnier dans Misery, […] nous la voyons  avec inquiétude changer d’humeur, mais je me suis jamais efforcé de le dire toute go dans des phrases comme : « Annie paraissait déprimée et peut-être même suicidaire, ce jour-là », ou : « Annie paraissait particulièrement de bonne humeur. » Si je suis obligé de vous le dire, j’ai perdu. […] Et si je parviens, même de façon fugace, à vous faire voir le monde par les yeux d’Annie Wilkes, autrement dit à vous comprendre sa folie, il se peut alors que vous sympathisiez avec elle ou même que vous vous identifiez à elle. Le résultat ? Elle n’en est que plus terrifiante, parce que plus proche de la réalité. […] si vous continuez à écrire de la fiction, je crois que vous vous rendrez compte que tous les personnages que vous créerez sont un peu vous-même.

LE SYMBOLISME ET LES METAPHORES

P.232-238

 

Tout, absolument tout, est à votre disposition. Servez-vous. N’est ce pas une idée enivrante ? Moi, je trouve que si. 

[…]  vous devez utiliser tout ce qui améliorera la qualité de votre texte sans se mettre en travers de l’histoire.

 

Aucune raison d’être guindé et conservateur lorsque vous écrivez […] Le traditionnel comme l’expérimental sont à votre disposition. Merde, écrivez à l’envers si ça vous chante, ou dessinez des pictogrammes avec des crayons de couleur. Mais je crois qu’un texte ne devrait jamais franchir la porte de votre bureau tant que vous ne l’estimez pas présentable. Vous ne pouvez pas faire plaisir à tous vos lecteurs tout le temps ; mais vous devriez au moins essayer de faire plaisir à certains de vos lecteurs une partie du temps. C’est William Shakespeare qui l’a dit, je crois. 

 

Cela (le symbolisme, NDLR) est-il indispensable à la réussite de votre histoire, de votre roman ? Certes pas, et il peut même lui faire du tort si vous vous laissez emporter. Le symbolisme a pour fonction d’orner, d’enrichir, pas de créer une profondeur artificielle. Les procédés ne concernent pas l’histoire : au fond, seule l’histoire concerne l’histoire. (Vous trouvez que je deviens fatiguant ? J’espère que non, car moi, je suis loin d’être fatigué de vous le rabâcher.) 

Le symbolisme est -comme les autres ornements- cependant utile — il n’est pas qu’un simple maquillage. Il peut servir de catalyseur entre vous et et votre lecteur, aider à créer un texte plus unifié, plus agréable. Je crois que, lorsqu’on relit son manuscrit (lorsqu’on le relit à voix haute), on voit s’il comporte des aspects symboliques ou un potentiel symbolique. Dans le cas contraire, on laisse les choses dans l’état. Mais sinon, s’il fait manifestement partie du fossile que l’on s’efforce d’exhumer, il faut y aller. Le mettre en valeur. Ce serait trop bête de ne pas en profiter. 

 

LA THEMATIQUE

P.239-248

 

Lorsqu’on écrit, on passe sont temps, jour après jour, à faire le tour des arbres et à les identifier. Ce travail achevé, on doit prendre du recul et regarder la forêt. Tous les textes […]  nous parlent de quelque chose. Votre boulot, pendant la rédaction de la première version ou tout de suite après, est de décider ce qu’est ce quelque chose. Dans la deuxième mouture, votre tâche est, entre autres, de rendre ce quelque chose encore plus clair. Ce qui peut exiger des changements importants et des révisions. 

 

Se lancer dans l’écriture en partant de grandes questions et de problèmes thématiques est la meilleure recette pour faire de la le mauvaise fiction. La bonne fiction part toujours d’une histoire et progresse vers son thème ; elle ne part presque jamais du thème pour aboutir à l’histoire. 

 

Une fois que votre histoire est couchée sur le papier, cependant, vous vous devez de réfléchir à ce qu’elle signifie et d’enrichir vos moutures suivantes de vos conclusions. Ne pas le faire serait priver votre oeuvre (et en fin de compte vos lecteurs) de la vision qui fait que chaque histoire que vous écrivez est la vôtre et uniquement la vôtre.

NOUVELLES VERSIONS & RELECTURES

P.248-262

 

Combien de moutures faut-il faire ? Pour moi la réponse a toujours été deux, plus une relecture de finition, même si aujourd’hui, avec l’avènement du traitement de texte, ces finitions s’apparentent presque à une troisième version.

 

Il faut bien garder présent à l’esprit que je ne parle ici que de ma manière personnelle de procéder ; dans la pratique, les choses varient beaucoup d’un écrivain à l’autre. 

 

Je crois cependant que certaines choses sont valables pour la plupart des écrivains, et ce sont celles dont je voudrais vous parler maintenant. 

 

Écrire un texte de fiction, en particulier s’il est long, est un travail solitaire qui peut être éprouvant, un peu comme traverser l’Atlantique dans une baignoire. Les occasions de douter ne manquent pas. Le fait d’écrire vite, de raconter mon histoire telle qu’elle me vient à l’esprit, en ne regardant en arrière que pour vérifier le nom de mes personnages et les éléments pertinents de leur biographie, me permet de conserver intact mon enthousiasme d’origine et en même temps de garder une longueur d’avance sur les doutes qui n’attendent que de s’infiltrer en moi. 

Cette première mouture — le brouillon de l’histoire — devrait être écrite sans l’aide (ou les interférences) de qui que ce soit. Il peut arriver que vous ayez envie de montrer où vous en êtes à un ami cher […] mon conseil est de résister à cette tentation. Gardez la pression, ne la faites pas baisser en exposant ce que vous écrivez aux doutes, aux louanges ou même aux questions bien intentionnées de quelqu’un du Monde Extérieur. 

 

[…]  Bon, vous venez d’achever votre première mouture. Félicitations ! Bon boulot ! Ouvrez une bouteille de champagne, commandez-vous une pizza, faites tout ce que vous aimez faire faire lorsque vous avez quelque chose à fêter. S’il y a quelqu’un qui attend avec impatience de lire votre roman — un conjoint, qui a peut-être travaillé tous les jours de neuf à cinq pour payer les factures pendant que vous pourchassiez vos rêves —, le moment est venu d’assurer la livraison…à condition, toutefois, que votre premier lecteur, ou vos premiers lecteurs, promet(tent) de ne pas vous parler de votre livre tant que vous ne serez pas prêt à en parler avec eux. 

Voilà qui peut paraître un peu arbitraire, mais il faut considérer que vous avez beaucoup travaillé et que vous avez besoin d’un temps de repos (dont la longueur dépend de chacun). Votre esprit et votre imagination — les deux sont en relation, mais pas identique pour autant — ont besoin de se recycler, au moins en ce qui concerne ce manuscrit. Mon conseil est de vous accorder deux jours de congé — allez à la pêche, faites du kayak, complétez un puzzle — puis attelez-vous à un autre ouvrage. Quelque chose de plus court, de préférence, et qui implique un changement de direction et de rythme par rapport au roman que vous venez de terminer. 

 

Vous seul pouvez décider du temps pendant lequel vous laisserez reposer votre première version —  un peu comme on laisse reposer la pâte à pain entre deux pétrissages —, mais je crois qu’il faut attendre au moins six semaines. […]  vous serez tenté de reprendre votre manuscrit, ne serait-ce que pour relire tel passage et vous rassurer ainsi sur vos talents d’écrivain. Résistez à la tentation. 

 

Lorsque arrive le bon moment, sortez le manuscrit de son tiroir. S’il vous fait l’effet d’une relique venue d’on ne sait où, achetée chez un brocanteur […] vous êtes prêt. 

Asseyez-vous porte fermée, un crayon à la main, un bloc papier à côté de vous.

Prenez toutes les notes que vous voulez, mais concentrez-vous sur les basses besognes comme corriger l’orthographe et relever les incohérences. 

Si vous ne l’avez jamais fait, vous constaterez que la relecture d’un manuscrit après une période de repos de six semaines est une expérience étrange, souvent jouissive. […] ce sera comme relire l’ouvrage d’un autre, d’une âme soeur, par exemple. 

 

Vous serez capable de voir les trous les plus flagrants dans la trame de l’histoire ou dans l’élaboration des personnages. Je parle là de trous assez grands pour faire passer un semi-remorque. 

Et écoutez bien : si vous repérez un ou plusieurs de ces grands trous, il vous est interdit de vous sentir déprimé et de battre votre coulpe. Il arrive aux meilleurs d’entre nous de rater leur coup. […] n’oubliez pas : il y a bien quelqu’un qui a conçu les plans du Titanic, et l’a déclaré insubmersible. 

 

Pendant cette relecture, la partie consciente de mon esprit s’attache à l’histoire et aux procédés de la boîte à outils : faire disparaitre les pronoms dont les antécédents ne sont pas assez clairs, et bien entendu faire disparaître tous les adverbes dont je peux supporter de me séparer. 

A un autre niveau, je me pose les Grandes Questions. La plus grande : mon histoire tient-elle debout ? Et si oui, comment faire de cette cohérence un chant ? Quels sont les éléments récurrents ? En d’autres termes je me demande : où veux-tu en venir Stevie ?

Ce que je cherche le plus est ce que j’appelle la résonance, quelque chose dont l’écho se répercutera encore un peu de temps dans l’esprit (et le coeur) du Fidèle Lecteur, lorsqu’il aura refermé le livre et l’aura rangé sur une étagère.

 

Plus que tout, je recherche ce que j’ai voulu dire, le sens, parce que dans la deuxième mouture, je vais vouloir ajouter des scènes et des incidents qui renforcent ce sens. Je vais  vouloir aussi faire disparaitre les choses qui vont dans d’autres directions.

 

Quelqu’un — impossible de me rappeler qui — a écrit un jour que les romans sont tous, sans exception, des lettres adressées à une personne précise. Je pense que tout romancier a un unique lecteur idéal […] Pour moi, ce premier lecteur est une lectrice, ma femme Tabitha.

Mais j’envoie aussi en général mon manuscrit à plusieurs autres personnes (entre quatre et huit), qui ont déjà critiqué mes travaux précédents.

Toutes les opinions ont-elles le même poids ? Pas pour moi. A la fin, c’est Tabby que j’écoute le plus parce que c’est pour elle que j’écris, c’est elle que je veux éblouir.

Je suis fou de joie lorsque Tabby éclate de rire sans retenue, levant les mains comme si elle disait je me rends, de grosses larmes lui coulant sur les joues. J’adore ça, c’est tout, j’adore foutrement ça, et quand je mets la main sur quelque chose qui a ce potentiel, je l’essore jusqu’à la dernière goutte.

 

 

RYTHME ET VOLUME D’ECRITURE

P.263-271

 

Confier son texte au Lecteur Idéal est aussi la meilleure façon d’évaluer si le rythme est bon et si le contexte (back story) est présenté de manière satisfaisante.

J’entends par rythme la vitesse à laquelle se déroule la narration. Il existe une sorte de croyance tacite (autrement dit ni étayée d’arguments, ni critiquée) dans les milieux de l’édition, voulant que la plupart des grands succès commerciaux soient le fait de romans menés au pas de charge. […] Comme tant d’idées reçues dans ce domaine, celle-ci est une connerie… et c’est pourquoi, lorsque des ouvrages comme Le nom de la rose d’Umberto Eco ou Cold Mountain de Charles Frazier sont soudain passés en tête du peloton sur la liste des best-sellers, le petit monde l’édition s’est trouvé tout étonné. Je suppose que, pour la plupart, ils ont attribué le succès de ces deux livres aux imprévisibles et déplorables fautes de goût de leurs lecteurs. 

 

Le risque (avec les romans écrits à des rythmes débridés) est d’en faire trop et de distancer son lecteur, soit qu’il ne sache plus où il en est, soit que la fatigue le gagne. 

 

On doit malgré tout faire attention à ne pas tomber dans l’excès contraire, car même le plus patient des lecteurs finira par s’ennuyer si le rythme est trop lent. Le meilleur moyen de trouver le juste milieu ? Votre Lecteur Idéal, bien sûr. 

Il est peut-être instructif de voir à quel moment votre L.I pose le manuscrit pour faire autre chose. Quelle scène lisait-il à ce moment-là ?  […] il faut laisser tomber les parties barbantes. En clair, il faut pratiquer des coupures pour accélérer le rythme, ce que la plupart d’entre nous finissent par faire (tuez vos chéries, tuez vos chéries, même quand cela fend votre petit coeur égocentrique de scribouillard, tuez vos chéries !).

 

(Le conseil) l’application de la formule : Version 2 = Version 1 – 10%.

 

Ce que m’a apprit la Formule est ceci : tout texte peut, dans une certaine mesure, être resserré.

LES RECHERCHES

P.271-275

 

Si vous devez absolument faire des recherches parce que votre histoire met en scène des choses sur lesquelles vous ne savez rien ou que peu de choses, je vous en prie, n’oubliez pas que le maître mot est contexte. Le contexte n’est pas le texte, c’est dans le contexte que doivent rester vos recherches. […] ce qui intéresse vos lecteurs, c’est avant tout les personnages et l’histoire. […] la recherche appartient au contexte, à la toile de fond. 

 

Il ne faut pas en arriver à ce que ce soit la queue qui fasse remuer le chien ; n’oubliez jamais que vous écrivez un roman, pas un document. L’histoire vient toujours en premier. 

 

COURS ET SEMINAIRES D’ECRITURE

P.276-283

 

« Mon Dieu, si seulement j’avais le bon environnement, avec des gens qui me comprendraient vraiment, je suis certain que je pourrais pondre mon chef-d’oeuvre. »

 

 […mais] L’un des plus grands vices de forme des ateliers d’écriture est qu’on y fonctionne selon la règle du faut que. 

Vous n’y êtes pas venu, n’est-ce pas, pour vagabonder comme un nuage dans le ciel ou jouir de la beauté de la forêt, de la majesté des montagnes. Vous êtes supposé écrire, bon sang de sort, au moins pour que vos collègues aient quelque chose à critiquer quand ils feront griller leurs foutus marshmallows, le soir. 

Et au fait, qu’est-ce qu’elles valent, ces critiques ? Et bien, pas grand-chose, selon moi — désolé. La plupart font dans le flou artistique le plus irritante qui soit. […] de plus ces critiques vous obligent à écrire la porte ouverte en permanence et, dans mon esprit, c’est plus ou moins en contradiction avec le but recherché. 

 

Cours et séminaires d’écriture ont au moins un avantage indéniable : on y prend au sérieux le désir d’écrire de la fiction ou de la poésie. Et on est tout à fait libre de passer de longs moments dans son petit monde intérieur, son univers imaginaire. Mais dites-moi, avez-vous vraiment besoin d’une permission écrite dûment tamponnée pour vous y rendre ? 

 

Autre argument qui milite en faveur des cours d’écriture, les hommes et les femmes qui y enseignent. Il y a des milliers d’écrivains talentueux aux Etats-Unis, et seul un petit nombre d’entre eux (je crois que le chiffre tourne autour de quelque chose comme cinq pour cent) peuvent vivre et faire vivre leur famille avec leur travail.

La solution, pour nombre d’écrivains de fiction, consiste à enseigner ce qu’ils savent. Voilà qui peut être tout à fait positif, et il est excellent que des écrivains débutants puissent avoir l’occasion de rencontrer et d’écouter des auteurs chevronnés, qu’ils admirent peut-être depuis longtemps. C’est aussi excellent lorsque ces classes permettent de prendre contact avec le monde de l’édition.

L’AGENT, LES EDITEURS

P.283-296

 

Il est faux de croire que les agents littéraires seraient une bande de snobs hautains qui préfèreraient mourir plutôt que de toucher de leur doigt déganté un manuscrit qu’ils n’ont pas sollicité (bon d’accord on en trouve quelques-uns comme ça). Le fait est qu’agents, éditeurs et directeurs littéraires sont tous à la recherche de la prochaine poule aux oeufs d’or, de l’auteur qui vendra à des centaines de milliers d’exemplaires et qui leur fera gagner beaucoup d’argent… et pas forcément un jeune auteur, par-dessus le marché. 

 

 […] vous devez avoir un agent ; si votre travail a une valeur marchande, vous ne devriez pas avoir tellement de mal à en trouver un. Vous pourrez même en trouver un si vos histoires ne sont pas commerciales, du moment qu’elles sont prometteuses. 

Les agents sportifs représentent des joueurs de seconde division qui jouent avant-tout pour gagner (chichement) leur vie, dans l’espoir que leurs jeunes clients se retrouveront un jour dans la cour des grands ; pour des raisons identiques, les agents littéraires acceptent souvent de s’occuper d’écrivains qui n’ont pas encore publié, ou très peu. Vous avez toutes les chances de trouver quelqu’un, même si votre CV ne comporte que des publications dans ce qu’on appelle « les petits magazines » qui ne paient qu’en exemplaires d’auteurs : les agents les considèrent souvent comme un terrain d’essai pour les jeunes talents. 

 

 

 

Comment construire sa demande quand on envoie une lettre, pour trouver un agent ?

 

 

Exemple p.293-294 -> voir le modèle de la lettre de Franck, qui a déjà écrit six nouvelles et reçu un prix pour l’une d’elles. 

Il propose aux douze agents contactés de leur envoyer celle(s) (nouvelle) qu’ils pourraient avoir envie de lire, et annonce qu’il souhaite trouver un agent parce qu’il est en train d’écrire un roman – il en transmet un très court synopsis et dit qu’il serait ravi de leur soumettre les quatre-vingt premières pages qui sont « déjà bien en place ». 

 

Franck avait bien entendu mis sont numéro de téléphone en plus de son adresse, et l’un des agents contactés l’appela pour bavarder un moment. Trois lui répondirent, demandant à lire la nouvelle ayant reçu un prix. Ils furent six à lui demander de lire les quatre-vingt premières pages su roman. En d’autres termes, la réaction fut massive ; seul l’un des agents ne manifesta aucun intérêt pour le travail de Franck, disant qu’il avait déjà fait le plein de clients. 

 

Il attribue sa fabuleuse récolte d’agents éventuels à plusieurs choses :

- sa lettre était bien écrite et claire

- il pouvait déjà fournir une liste relativement copieuse de nouvelles déjà publiées

- il y avait le prix Littéraire

- le nombre de mots figurait pour chaque réalisation

 

 

 

 […] il eut aussi l’intelligence de demander aux agents, une liste des éditeurs auxquels ils avaient vendu des livres et des revues où ils avaient fait publier des nouvelles : il est facile de flouer un écrivain qui cherche désespérément à être représenté. Les débutants ne doivent pas oublier que quiconque dispose de quelques centaines de dollars à investir peut très bien faire passer une petite annonce dans Writers’ Digest et se gratifier du titre d’agent littéraire : nul besoin de passer un examen pour cela.

Il faut surtout se méfier des agences littéraires qui vous promettent de lire vos textes contre de l’argent. […] certaines sont respectables, mais il y a trop d’escrocs sans scrupules.

 

Je vous conseille, si vous voulez être publié à tout prix, de sauter l’étape de la recherche d’agents et des lettres aux éditeurs, et de vous adresser directement à un spécialiste de l’édition à compte d’auteur. Vous aurez au moins un semblant de quelque chose pour votre argent.

POURQUOI J’ÉCRIS ?

 

 

Un dernier point reste à discuter, une question en relation directe avec la chose qui a changé ma vie et que je n’ai fait qu’effleurer jusqu’ici. Abordons-là maintenant de front. C’est une question qu’on me pose de différentes façons, parfois avec politesse, parfois sans ménagement, mais elle se résume toujours à la même chose : Dis-moi, mon chou, tu fais ça pour l’argent ?

 

La réponse est non. Aujourd’hui comme autrefois. 

 

Il y a des moments pour moi où écrire a relevé d’un acte de foi, a été le crachat dans l’oeil du désespoir. La deuxième partie de ce livre a été rédigée dans cette esprit. Je me la suis sortie des tripes, comme nous disions quand nous étions gosses. L’écriture n’est pas la vie, mais je crois qu’elle peut être parfois le moyen de revenir à la vie. C’est quelque chose que j’ai découvert pendant l’été 1999 lorsqu’un homme, au volant d’un van bleu, a bien failli me tuer.

 

 

3EME PARTIE : DE LA VIE, UN POST-SCRIPTUM

P.301-321

Stephen raconte ici son accident, puis conclut son récit comme ceci : 

 

 

Écrire n’a rien à voir avec gagner de l’argent, devenir célèbre, draguer les filles ou se faire des amis. En fin de compte, écrire revient à enrichir la vie de ceux qui liront vos ouvrages, mais aussi à enrichir votre propre vie. C’est se tenir debout, aller mieux, surmonter les difficultés. Et faire qu’on soit heureux, d’accord ? Oui, faire qu’on soit heureux. Une partie de ce livre, trop longue, peut-être, décrit comment j’ai appris cela (« CV », la 1ère partie, non incluse dans ce résumé, NDLR). Une autre, plus plus importante, s’efforce d’expliquer comment on peut mieux le faire. Le reste, et peut-être la meilleure partie, est une autorisation en bonne et due forme : vous le pouvez, vous le devez, et si vous êtes assez courageux pour vous lancer, vous y arriverez. Écrire est magique, écrire est l’eau de la vie au même titre que n’importe quel art. L’eau est gratuite. Alors buvez. 

Buvez, buvez à satiété.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÈTE DE STEPHEN KING

https://stephenkingfrance.fr/2023/11/bibliographie-stephen-king/ 

 

SOURCES IMAGES

https://stephenkingfrance.fr/

https://www.simonandschuster.com/authors/Stephen-King/1666839

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